Jean-Marc Stéphan
Résumé : L’étude d’un cas clinique de maladie de Parkinson, diagnostiqué vide de yin du Foie et du Rein selon la différenciation des syndromes (zheng) de la Médecine Traditionnelle Chinoise objective que l’acupuncture doit être envisagée dans l’arsenal thérapeutique de cette maladie neurodégénérative. En effet, même si les tremblements persistent après cinq mois de traitement, on constate une très nette amélioration des activités de la vie quotidienne avec disparition de la constipation, amélioration de l’insomnie et de l’anxiété, ce que confirment les essais comparatifs randomisés retrouvés dans la littérature. Les mécanismes neurophysiologiques de cette action commencent à être connus. Ils résultent d’une neuroprotection entraînant une inhibition de la microglie avec suppression des réponses inflammatoires (TNF-a, interleukine-1bêta, cyclooxygénase-2), action neurotrophique du BDNF (Brain-derived neurotrophic factor) et du GDNF (Glial cell line-derived neurotrophic factor) mais aussi d’une augmentation des neurones tyrosine hydroxylase dans la substantia nigra. Mots-clés : électroacupuncture – Parkinson – cas clinique – acupuncture expérimentale – BDNF – microglie – tyrosine hydroxylase.
Summary: The study of a clinical case of
Parkinson's disease, diagnosed deficiency of yin of the Liver and Kidney
according differentiation syndroms (zheng) of Traditional Chinese
Medicine objective that acupuncture should be considered in the current methods
of treatment for this neurodegenerative disease. Indeed, even if the tremors
persist after five months of treatment, there is a very significant improvement
in activities of daily living with the disappearance of constipation, decreased
sleep problems and anxiety, what confirm the comparative randomized trials
found in the literature. The neurophysiological mechanisms of this action are
beginning to be known. They result from a neuroprotection resulting in
inhibition of microglia with suppression of inflammatory responses (TNF-a,
interleukin-1beta, cyclooxygenase-2), neurotrophic action of BDNF
(Brain-derived neurotrophic factor) and GDNF (Glial cell line - derived
neurotrophic factor) but also an increase in tyrosine hydroxylase neurons in
the substantia nigra. Keywords: electroacupuncture - Parkinson -
clinical case - experimental acupuncture - BDNF - microglia - tyrosine
hydroxylase.
La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative invalidante avec une prévalence qui est de 2 pour 1000 dans la population générale et qui s’élève à 1,5 % chez les plus de 65 ans [[1]]. Elle se manifeste cliniquement par un tremblement de repos, une akinésie et une rigidité : amimie, micrographie, difficulté à déclencher les mouvements, lenteur à les exécuter, sensation de raideur. Cette triade de symptômes moteurs est due à une perte massive, progressive et préférentielle d’une population de neurones, située dans la substantia nigra pars compacta (locus niger), producteurs du neurotransmetteur dopamine. Les autres signes éventuellement retrouvés dans la maladie sont le syndrome dépressif (présent chez 40 à 50% des patients), l’instabilité posturale avec troubles de l’équilibre, l’hypersudation, les bouffées de chaleur, les troubles de la mastication et de la déglutition, l’hypotension orthostatique, la constipation, le besoin impérieux d’uriner avec incontinence, les troubles du sommeil (insomnie, somnolence), la bradyphrénie, les douleurs, souvent à type de crampes ou de fourmillements désagréables.
Mr B, 72 ans, retraité du bâtiment se présente, début février 2008, à ma consultation hospitalière envoyé par son médecin traitant pour maladie de Parkinson au stade I selon l’échelle de Hoehn et Yahr (H &Y). Les signes cliniques sont apparus depuis moins d’un an et la gêne fonctionnelle est essentiellement liée au tremblement de repos de l’avant-bras droit qui s’accentue lorsqu’il se sent mal à l’aise ou angoissé. Il est déprimé, anxieux, insomniaque et selon son épouse, colérique et facilement irritable. Il souffre aussi d’un reflux gastro-oesophagien avec fréquents pyrosis et d’une constipation opiniâtre depuis de longs mois.
L’examen clinique révèle une langue rouge ; le pouls est tendu (xian).
Selon la différenciation des syndromes (zheng) de la MTC, on peut porter le diagnostic d’un vide de yin du Foie et du Rein.
Le traitement sera appliqué sur une période de 5 mois, allant de février à juin 2008, soit 12 séances au total : cinq séances à 1 semaine d’intervalle, suivies de sept séances à 15 jours d’intervalle. Les points utilisés sont : RE3 (taixi), VC6 (qihai), FO8 (ququan) pour traiter le zheng auxquels sont ajoutés VG16 (fengfu), VB20 (dazhui), FO3 (taichong), VB34 (yanglingquan) et VG20 (baihui) pour disperser le Vent Interne et enfin les points GI4 (hegu), GI11 (quchi), TR5 (waiguan) à droite en fonction de la localisation des tremblements. Après recherche du deqi, les aiguilles à usage unique en acier inoxydable (0,20 x 25mm) sont laissés in situ pendant 30 mn.
Une électroacupuncture est utilisée sur VB20 et VB34 à la fréquence de 99 Hz (durée d’impulsion rectangulaire asymétrique de 0,5ms d’un courant pulsé alternatif à moyenne nulle) par l’intermédiaire d’un stimulateur électrique Agistim duo Sédatelec® à une intensité supportable par le patient.
Au bout de la 5ème séance, le stress, l’angoisse et l’insomnie s’atténuent. Persistent les tremblements. La constipation n’étant pas améliorée, le ES25 (tianshu) est ajouté.
Au bout de 12 séances, un bilan est réalisé. Mr B constate que le tremblement est toujours présent mais ne survient plus aussi fréquemment et apparaît surtout lors du stress. Son sommeil est nettement amélioré, il est moins angoissé et sa constipation a totalement disparu. Il ne prend toujours pas de thérapeutique spécifique et souhaite continuer l’acupuncture, bien qu’il se fasse à l’idée que le traitement antiparkinsonien sera un jour inéluctable.
Ce cas clinique laisse entendre que l’acupuncture peut améliorer la maladie de Parkinson. Qu’en est-il vraiment, sachant qu’en Médecine Traditionnelle Chinoise, la maladie de Parkinson entre dans le cadre nosologique des maladies engendrées par le Vent Interne [[2],[3],[4]] et que selon la différenciation des syndromes (zheng), on observe trois cadres cliniques [4,[5],[6],[7],[8]]. Carosi traite un cas clinique de Vent Interne entraînant des tremblements sans que cela soit ainsi catalogué comme maladie de Parkinson [[9]]. Il s’agira aussi de déterminer si des études expérimentales démontrent l’action de l’acupuncture ou de l’électroacupuncture sur des modèles de rats parkinsoniens. Enfin, même si l’acupuncture expérimentale engendre une neuroprotection et une stimulation des neurones tyrosine- hydroxylases dans la substantia nigra chez le rat, seuls les essais comparatifs randomisés peuvent offrir un grade de recommandations avec des niveaux de preuves suffisants, car il paraît difficile de transposer les résultats positifs de l’animal à l’homme.
Notre cas clinique est un vide de yin du Foie et du Rein. Comment le diagnostiquer par rapport aux autres zheng ?
Trois cadres cliniques observés lors d’une atteinte du Vent Interne peuvent déclencher une maladie de Parkinson.
Symptômes : tous ceux du syndrome de Parkinson sont retrouvés, à savoir tremblements de repos, akinésie, rigidité et amimie. S’y ajoutent les signes propres au zheng : vertiges, voix faible, transpiration spontanée, asthénie avec épuisement physique et mental, selles non formées, teint pâle. La langue est pâle, gonflée (figure 1). Le pouls est fin (xi), faible (ruan) ou mou (ruo) [[10]].
Le traitement du zheng : VE20 (pishu), ES36 (zusanli), VC4 (guanyuan) ou VC6 (qihai) (dantian) [[11]],VE18 (ganshu), VE17 (geshu) [[12]].
Figure 1. Exemple de langue pâle et gonflée. |
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Symptômes : tremblements, akinésie, rigidité et amimie. On retrouve de plus : sensation de plénitude thoracique, ballonnement épigastrique et abdominal, vertiges. La langue est rouge avec enduit lingual central blanc ou jaune et gras. Le pouls est tendu en corde (xian) et rapide (shu), glissant à la barrière (hua) [10].
Le traitement du zheng : ES40 (fenglong), RA9 (yinlingquan), VE20 (pishu), VC12 (zhongwan).
Symptômes : tremblements, akinésie, rigidité et amimie auxquels on rajoute les symptômes spécifiques du zheng : céphalées, crampes, anxiété, lombalgies, colère, irritabilité, vertiges, acouphènes, insomnie, perte de mémoire, constipation, vomissements de liquides amers, voire acides. La langue est rouge avec peu d’enduit. Le pouls est fin (xi) et rapide (shu) ou tendu (xian) [8,10].
Le traitement du zheng : VE23 (shenshu), RE3 (taixi), VC4 (guanyuan) ou VC6 (qihai), VE18 (ganshu), FO8 (ququan).
Ces points sont à puncturer systématiquement pour disperser le Vent Interne en plus des points liés au syndrome zheng : VG16 (fengfu) ou VG14 (dazhui), VB20 (fengchi), FO3 (taichong), VB34 (yanglingquan), RA6 (sanyinjiao) et VG20 (baihui) (figure 2).
En fonction de la localisation des tremblements, on puncturera en dispersion : GI4 (hegu), GI11 (quchi), TR5 (waiguan), TR4 (yangchi) pour le membre supérieur, VB30 (huanjiao), VB40 (qiuxu), ES41 (jiexi), ES31 (biguan), ES36 (zusanli) pour le membre inférieur, IG17 (tianrong), VG15 (yamen) pour le rachis cervical.
À ce jour, la majeure partie des recherches sur la maladie de Parkinson porte sur l'étude de la mort des neurones dopaminergiques de la substance noire, le développement de stratégies de neuroprotection et d'apport de la dopamine manquante. En acupuncture, les chercheurs ont donc développé aussi ces axes de recherche. Ainsi, les études expérimentales sur l’animal suggèrent que l’électroacupuncture diminue la dégénérescence des neurones dopaminergiques [[13],18,19,20], mais aussi augmenterait le nombre de neurones dopaminergiques [21].
Les cellules microgliales appartiennent au système des monocytes/macrophages et proviennent des monocytes sanguins ayant pénétré dans le parenchyme du SNC et peuvent, lors de lésions du tissu nerveux, s'activer et se transformer en macrophages. Lorsqu'elles sont activées, les cellules microgliales sécrètent de nombreuses molécules dont plusieurs cytokines, des protéases, des anions superoxyde et de l'oxyde nitrique NO. La microglie est soupçonnée de participer à la médiation de la neurodégénérescence. Le fait d’inhiber cette activation participerait donc à un effet neuroprotecteur. Vingt-quatre séances de 30 mn pendant 6 jours d’électroacupuncture (EA) à 100Hz (largeur d’impulsion carrée de 0,2ms, d’intensité de 1 à 3mA par incrément de 1 mA toutes les 10 mn) ont été réalisées sur un modèle animal de rat parkinsonien par section transversale du « medial forebrain bundle » (MFB). Le MTV, encore appelé faisceau médian du télencéphale ou circuit de la récompense est constitué par les axones des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale (ATV) qui se projettent vers le noyau accubens. L’EA inhibe de façon statistiquement significative (p<0,001) les récepteurs du complément 3 (CR3), donc l'activation de la microglie dans la substantia nigra pars compacta. En outre, l’EA à 100 Hz inhibe l’uprégulation des niveaux d’ARNm du TNF-a (tumor necrosis factor alpha) (figure 3) et de l'IL1beta (interleukine-1bêta) au niveau du tronc cérébral ventral des modèles de rats parkinsoniens. La neuroprotection par l’EA à 100 Hz est donc médiée par la suppression des réponses inflammatoires, par l’action neurotrophique du BDNF [[14]] ou chez l’homme par l’amélioration du taux de dismutase superoxyde (SOD), détoxicant des radicaux libres (toxiques pour la cellule) [[15]]. L’étude de Kang et coll. suggère également l’action neuroprotectrice de l’acupuncture (FO3, VB34) par inhibition de l’activation microgliale. L’acupuncture contribue à atténuer l’augmentation du macrophage antigen complex-1 (MAC-1), marqueur de l’activation microgliale, et réduit l’augmentation de la cyclooxygénase-2 (COX2) et celle de l’expression de la forme inductible (iNOS ou NOS2) de l’oxyde nitrique dans le striatum et la substantia nigra [[16]].
Un facteur de croissance, le GDNF (Glial cell line-derived neurotrophic factor) est actuellement, le meilleur agent connu pour favoriser la survie de motoneurones de rats in vivo et in vitro et a une activité puissante sur la survie des neurones dopaminergiques du locus niger [[17]]. L’EA à haute fréquence sur un modèle de rat parkinsonien par transection du MFB réduit l’activité motrice rotatoire mais pas à basse fréquence. Il n’y a pas de changement significatif de la dopamine dans le striatum après EA. Par contre, l’EA à haute fréquence entraîne dans le globus pallidus bilatéralement une uprégulation de l’ARNm du GDNF [[18]] (figure 4).
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Figure
4. GDNF (Glial
Cell-Derived Neurotrophic Factor) du rat.
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Le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) (figure 5) est un facteur neurotrophique qui exerce une action trophique sur les neurones cholinergiques du télencéphale basal, les neurones dopaminergiques du mésencéphale, les neurones gabaergiques striataux et sur les motoneurones. L’EA chez le rat (24 sessions de 30 mn par jour sur VG20 et VG14) à la fréquence à 0 et 2 Hz n’a aucun effet sur la disparition des neurones dopaminergiques sur un modèle de rat parkinsonien (section du MFB). Par contre à la fréquence de 100 Hz, les niveaux d’ARNm du BDNF sont significativement augmentés au niveau de l’ATV uniquement du côté lésionnel [[19]].
Le striatum est une structure nerveuse regroupant le noyau caudé, le putamen qui reçoit des afférences d’éléments dopaminergiques venant de la substantia nigra pars compacta et le fundus. C’est donc sur un modèle de rat parkinsonien par injection unilatérale de 6-hydroxydopamine (6-OHDA) au niveau du striatum que Park et coll. ont objectivé les effets neuroprotecteurs de l’acupuncture. Ils ont ainsi analysé les effets du traitement acupunctural sur les réactions immunohistochimiques de la tyrosine hydroxylase et des récepteurs protéiques tyrosine kinase trkB (se lient sélectivement au BDNF). La stimulation du VB34 et FO3 chez le rat diminue significativement le déficit moteur, améliore la survie des neurones dopaminergiques dans le striatum dorsolatéral (21,4% de perte au lieu de 45,7% dans le groupe contrôle). Il y a aussi une augmentation significative (35,6%) de l’expression de trkB. Ils concluent que l’acupuncture a des effets neuroprotecteurs contre la mort neuronale [[20]].
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L’autre axe de recherche de l’acupuncture expérimentale est son action directe sur les neurones dopaminergiques par l’intermédiaire de la tyrosine hydroxylase. Celle-ci est une enzyme catalysant la transformation irréversible de la L-tyrosine en dihydroxyphénylalanine ou L-DOPA.
Ainsi, sur le modèle de rat parkinsonien par injection de 6-OHDA, Kim et coll. ont objectivé que l’acupuncture quotidienne sur le point ES36 (zusanli) pendant 14 jours inhibe l’asymétrie motrice des mouvements et augmente le nombre de neurones tyrosine hydroxylase dans la substantia nigra [[21]].
Deux autres études ont montré aussi l’action de l’acupuncture sur la tyrosine hydroxylase (figure 6). Liang montre qu’à la fréquence de 100 Hz, 60% des neurones positifs à la tyrosine hydroxylase demeurent du côté lésionnel [19]. La seconde étude objective sur un modèle de rat induit par MPTP que l’acupuncture au VB34 et FO3 inhibe la décroissance de l’immunoréactivité de la tyrosine hydroxylase dans le striatum et la subtantia nigra au 1er, 3ème et 7ème jour après l’injection de MPTP.
Action aussi sur la dopamine : sur le modèle de rat parkinsonien au 6-OHDA, l’EA (FO3, RA6, ES36, VB34 pendant 30 mn) élève le niveau de dopamine dans le striatum lésé et prévient donc l’élévation (uprégulation) des récepteurs D2 à la dopamine. On sait qu’en cas de diminution de dopamine dans la maladie de Parkinson, une compensation se met en place avec uprégulation des récepteurs D2 dopaminergiques [[22]].
L’expérimentation animale objective les différents mécanismes d’action de l’acupuncture, mais peut-on transposer cela chez l’homme ? Les études cliniques peuvent seules donner un début de réponse.
Un essai clinique chez l’homme objective que l’acupuncture peut augmenter le taux de la dopamine et des neurotransmetteurs monoaminergiques dans le liquide céphalorachidien du parkinsonien, mais sans réelle corrélation avec l’efficacité du traitement [[23]]. D’autres études chinoises ont démontré également l’efficacité de l’acupuncture dans le traitement de la maladie de Parkinson [6,7,12,[24],[25],[26],[27],[28],15,[29]]. Une analyse chinoise en répertorie la plupart et montre globalement l’amélioration des symptômes [[30],[31]]. Malheureusement, ces études montrant une amélioration, voire une efficacité dans la maladie de Parkinson, résultent d’études écrites en langue chinoise dont l’évaluation méthodologique reste difficile à apprécier [[32]].
Néanmoins quelques essais comparatifs randomisés (ECR) apparaissent depuis quelques années et objectivent une certaine amélioration de la symptomatologie parkinsonienne selon les critères médicaux couramment utilisés.
Zhuang et Wang ont traité par acupuncture 29 parkinsoniens évalués à 13,10 ± 4,37 à l’échelle de Webster et au stade I à III sur l’échelle de Hoehn et Yahr versus un groupe contrôle sans acupuncture de 24 personnes (W = 14,13 ± 5,63 ; H&Y = I à III). Les deux groupes ont bénéficié du même traitement médicamenteux occidental (L-Dopa, anticholinergiques, agonistes des récepteurs dopaminergiques). En outre, le groupe acupuncture reçut le traitement suivant : 2 groupes de points puncturés alternativement un jour sur deux pendant 40 mn sur une période de 3 mois. Le premier groupe est : EX-HN1 (sishencong), GI11, TR5, VB34, ES36 et ES40 ; le second groupe de points : VB13, VB20, VG20, GI4, RA6, FO3. Une électroacupuncture à 180 Hz était appliquée sur EX-HN1, VB13, VB20 pendant 15 mn à une intensité tolérable par le patient. D’autres points en fonction des symptômes pouvaient être utilisés comme les ES25 (tianshu) et VC6 (qihai) en cas de constipation. La recherche du deqi était faite pour tous les points. Les critères de jugement étaient la notation sur l’échelle de Webster et la modification de la prise médicamenteuse. Les résultats montrent une diminution statistiquement significative (p<0,01) des symptômes cliniques à l’échelle de Webster versus le groupe contrôle. De même, il y a une diminution significative (p<0,05) du dosage du traitement médicamenteux et des effets secondaires (insomnie, bouche sèche, distension abdominale, constipation, transpiration) liés à ces thérapeutiques (p<0,01 à 0,05) [[33]]. Malheureusement, l’étude est de basse qualité méthodologique. Le score de Jadad est évalué à 2/5 [[34]]. La randomisation est bien citée, mais non décrite. Le caractère aveugle de l’ECR aussi bien en insu-patient qu’en insu-évaluateur n’est pas défini. Par contre, les sorties d’essai sont bien notées. D’autre part, l’échelle de Webster, même si elle est sensible et validée est une échelle subjective, fonction de l'examinateur.
Un autre ECR montre l’amélioration des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEATC) chez les parkinsoniens (au stade I à III de H & Y) traités par électroacucupuncture (N = 29) ainsi que des scores cumulatifs dans l'échelle de Webster versus groupe contrôle (N = 14 sans traitement acupunctural) [[35]]. Mais comme la précédente étude, le score de Jadad étant à 2/5, cet ECR est aussi discutable.
En 2002, une étude pilote, non aveugle, a été menée afin de juger de la sécurité, de la tolérance et l’efficacité de l’acupuncture. 20 patients au stade II de l’échelle H & Y et évalués à l’UPDRS (Unified Parkinson's Disease Rating Scale score) à 38,7 ont bénéficié de 2 séances d’acupuncture par semaine (entre 10 et 16 sessions au total). Les points utilisés en électroacupuncture (EA) pendant 1 heure sont : GI4, VB34, ES36 avec des points additionnels utilisés sans EA : RE3 (taixi), RP6 (sanyinjiao), IG3 (houxi), TR5 (waiguan) et de la cranio-acupuncture. Les patients ont été évalués avant et après acupuncture avec le profil d’impact de la maladie (Sickness Impact Profile : SIP), l’UPDRS, le H & Y, l’échelle de Schwab and England (S & E), les échelles de Beck Anxiety Inventory (BAI) et Beck Depression Inventory (BDI). Suite au traitement acupunctural, 85% des patients ont rapporté sur leur questionnaire une amélioration subjective des symptômes, y compris les tremblements, la marche, l'écriture, la lenteur, la douleur, le sommeil, la dépression et l'anxiété. Mais selon les échelles, on ne retrouve qu’une amélioration du repos et du sommeil (p<0,03) [[36]].
Suite à cette étude de Shulman qui préconisait l’intérêt de l'acupuncture dans certains aspects de la maladie de Parkinson, Cristian et coll. ont effectué une étude en double-aveugle, randomisée comparant un groupe acupuncture à un groupe contrôle non-acupuncture. Quatorze patients au stade II ou III selon de l’échelle de H & Y ont été évalués avant et après le traitement en utilisant l’échelle UPDRS, la Parkinson's Disease Questionnaire (PDQ-39), et l’échelle de dépression gériatrique (GDS). Chaque groupe a reçu 5 sessions (20 mn) d’acupuncture répartis sur deux semaines. Le groupe acupuncture a bénéficié de la puncture des points RE3 (taixi), RE10 (yingu), VE60 (kunlun), FO3 (taichong), ES41 (jiexi), ES36 (zusanli), VB34 (yanglingquan), MC6 (neiguan), GI4 (hegu), VG20 (baihui). L’EA a été appliquée entre RE3 et RE10 à la fréquence de 4 Hz. Le groupe non-acupuncture a bénéficié de la puncture sur des zones ne possédant pas de points d’acupuncture. Les résultats montrent qu’il n'y a pas eu de changements statistiquement significatifs sur les différentes échelles utilisées. Toutefois, on note une tendance vers l'amélioration dans les activités de la vie quotidienne sur l’échelle de la qualité de vie PDQ-39 que les auteurs ont qualifié d’effets positifs : amélioration des nausées, du sommeil [[37]]. Le score de Jadad est évalué à 3/5, considéré comme de haute qualité méthodologique. Mais la force de preuve de cet ECR est faible : la taille et la puissance de l’étude sont insuffisantes. D’autre part, les points d’acupuncture ne sont pas des points habituellement choisis surtout en EA. La fréquence de l’EA semble inadaptée selon les données expérimentales. Enfin le groupe contrôle non-acupuncture peut ne pas être un groupe placebo adéquat. Il aurait été préférable d’utiliser des aiguilles rétractables type Streitberger [[38]]. Bref, cet ECR n’est pas réellement probant.
Quoi qu’il en soit, il apparaît nécessaire de réaliser d’autres essais comparatifs randomisés de haute qualité méthodologique comme le laissent entendre deux revues systématiques parues presque simultanément en 2008. En effet pour Lee et coll., même si les onze ECR inclus dans leur revue suggèrent des effets bénéfiques de l’acupuncture, les preuves ne sont pas convaincantes du fait que la taille de la population incluse est insuffisante, tout comme la qualité méthodologique selon le score de Jadad [[39]]. Lam et coll. en arrivent à la même conclusion après avoir sélectionné seulement dix ECR sur les 784 études préalablement trouvées dans la littérature. Ils montrent des méthodes de randomisation incorrectes, des méthodes d’analyse statistiques invalides, des sorties de vue énoncées uniquement dans deux travaux sur dix avec aucune analyse en intention de traiter pour les autres ECR, des critères d’inclusion et d’exclusion inadéquats, et le comble, seul un ECR était réellement aveugle (celui de Cristian) [[40]]. Pour les prochains ECR, ils proposent l’utilisation des recommandations de la standardisation STRICTA pour les ECR d’acupuncture [[41]], la sélection d’une population suffisante, des critères de diagnostic et de jugements validés par des analyses statistiques correctes, des rigoureuses méthodes de randomisation avec des études en intention de traiter. Enfin, on se doit de fournir le suivi au long terme des patients après traitement, rapporter les effets secondaires et évaluer le poids économique de l’intervention, choses qui ont été réalisées que beaucoup trop rarement.
On peut considérer que l’acupuncture doit faire partie de l’arsenal thérapeutique de la maladie de Parkinson, même si pour l’instant l’ensemble des travaux offre un grade de recommandations C (selon l’échelle de valeurs de la Haute Autorité de Santé) correspondant à un faible niveau de preuves. Déjà selon l’étude de Rajendran et coll. 40% des patients souffrant d’une maladie de Parkinson utilisent une forme quelconque de médecine complémentaire au cours de leur maladie et l'acupuncture est l’une des trois les plus populaires [[42]].
De nombreuses études à la fois en acupuncture expérimentale et en essais comparatifs randomisés objectivent un faisceau non négligeable de preuves tendant à prouver que l’acupuncture a sa place dans l’amélioration de la qualité de vie en complément des traitements classiques, permettant ainsi de diminuer les effets secondaires médicamenteux, mais aussi assurerait une certaine neuroprotection. La recherche continue. Ainsi les travaux de Piquemal objectivent sur une femme de 50 ans parkinsonienne, l’action immédiate des points d’acupuncture FO3 (taichong), CO7 (shenmen), ES36 (zusanli), VG20 (baihui) sur la cessation des tremblements grâce à l’analyse spectrale des Bio-DDP [[43]]. Enfin pour terminer, outre l’acupuncture, il existe d’autres voies thérapeutiques : la craniopuncture [[44]] et les massages tuina du pied [[45],[46]] qui nécessitent certainement de plus amples investigations cliniques.
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Dr Jean-Marc Stéphan * jm.stephan@acupuncture-medicale.org Co-Directeur de la revue « Acupuncture & Moxibustion » Chargé d'enseignement à la faculté de médecine de Lille et Parix XI Médecin acupuncteur attaché au CH de Denain |
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