Alain Mestrallet

 

Réanimation in utero = Moxibustion du point 9F

 

Introduction 

 

Dans le cadre d’un congrès centré  sur le mouvement j’évoquerai ici un mouvement très spécifique : celui du fœtus au sein de sa mère.

Autrefois …. Il y a très longtemps… Au début de mes études obstétricales l’indice de souffrance fœtale se limitait au :

ralentissement :

-          des mouvements fœtaux décelé par la mère trop tôt ou trop tard,

-          du rythme cardiaque fœtal repéré de manière aléatoire lors d’une auscultation directe au stéthoscope obstétrical.

Actuellement l’obstétricien confronté à des moyens sophistiqués d’appréciation du bien-être fœtal est exposé à deux risques :

- l’impuissance devant une souffrance frappant un fœtus trop jeune pour être soustrait à un milieu défavorable.

- l’interventionniste excessif poussant à faire naître trop tôt et parfois trop vite des bébés qui pour certains n’en demandaient pas tant.

En terme chinois le bébé « yinisé » parce que son cœur est trop lent, qu’il bouge moins ou grandit trop lentement déclenche chez l’obstétricien une réaction de type yang.

Pour réconcilier le yin et le yang, pour dynamiser un fœtus en difficulté et calmer les ardeurs d’un obstétricien préoccupé, permettez moi de vous présenter en trois temps et cinq mouvements une recette éprouvée :

- la moxibustion de 9F

 

Temps n° 1 – Pourquoi le point 9F ? Pourquoi yinbao ?

 

Tout simplement parce que le nom chinois de 9F transcrit en chinois ancien nous parle, non comme le traduisent les classiques d’enveloppe froide mais, d’une grossesse yin. En ne considérant que l’enveloppe protectrice et oubliant son contenu ; l’embryon, les classiques ont suscité la perplexité chez un obstétricien chevronné mais novice en décryptage d’idéogramme.

Que faire de cet utérus yin, de ce point 9F ?

- le stimuler dans les hypotonies utérines ?  Essai = Echec

- le disperser dans les hypertonies utérines ? Essai = Echec

- le « chauffer » pour favoriser un déclenchement ? Essai = Echec

Autant de pistes – autant de cul de sac – yin ou pas, bao peut-il laisser indifférent un obstétricien, fut-il de tempérament yang ?

La réponse à cette question lui sera offerte par une jeune mère confrontée à une souffrance fœtale  aigue en tout début de travail.

 

 

Temps n° 2 - Comment l’Eve éternelle sort Adam du paradis terrestre de ses certitudes

 

Apparemment les femmes dans cette affaire font la sourde oreille et ne semblent pas entendre le message de yinbao. Le fœtus, cette « poussière d’étoile » fraîchement descendue du firmament comprend immédiatement le langage des fils du ciel.

L’histoire, classique en obstétricie, se déroule il y a plus de 20 ans dans une maternité privée. Il est deux heures du matin. Eve débute un accouchement qui devrait être normal. Tout va bien quand brusquement le monitoring révèle l’effondrement du rythme cardiaque fœtal après chaque contraction. Le diagnostic  de souffrance fœtal est d’une simplicité « biblique ». La sanction tombe comme un couperet : « césarienne, appelez l’anesthésiste », tranche sans commentaire l’obstétricien de garde. L’urgence est là. Elle ne laisse aucune place à la tergiversation. Et pourtant, grâce au ciel, Eve va tergiverser. « Docteur » dit elle d’une voix douce : « Docteur si la césarienne s’impose (silence) mais peut-on l’éviter (silence) avec votre médecine chinoise ? …). La tentation est là. Le foetus yin est là sous mes yeux, son rythme cardiaque fœtal le classe même parmi les hyper yin. L’idée qu’il n’a pas osé élaborer lui est suggérée, susurrée d’une voix persuasive.

Pourquoi ne tenterait-il pas de stimuler 9 F par une moxibustion bilatérale ?

L’armoise est là à portée de main. En attendant l’anesthésiste et pendant que la sage femme prépare l’intervention, le geste ne demandera que quelques secondes.

L’anesthésiste arrive. « Que se passe t-il ? Qu’elle est cette odeur de fumée ? Que faites vous ? » s’écrie le spécialiste légitimement furieux de ne pas voir sa patiente installée sur la table d’opération.

Il ne se passe plus rien. Le monitoring s’est curieusement normalisé. Le rythme cardiaque fœtal reste imperturbablement oscillant autour de 140 battements/minute depuis cette intervention fumigène pour ne pas dire fumeuse. L’électronique, les utra sons font cause commune avec l’idéogramme ancien – le bébé va mieux – Il ira même très bien en naissant 4 h. plus tard au grand dam de l’anesthésiste, prié de rester (sans rien faire) «au cas où », à la grande surprise de l’équipe obstétricale interloquée par cette « première » inusitée, à la totale satisfaction de la jeune mère, danseuse nue de sa profession, peu favorable aux cicatrices mal placées !

 

Temps n° 3 – bis repetita placent

 

Le même jour, à 17 h, dans le même établissement se joue un drame : un décollement du placenta normalement inserré. La parturiente hurle de douleur. L’utérus tétanisé ne desserre pas son étreinte sur un fœtus qui doit impérativement être extrait dans les minutes suivantes. Tout le monde est là. Toute l’équipe se précipite – L’ascenseur, chargé de transférer cette « urgence » absolue à l’étage inférieur où l’anesthésiste, l’infirmière de bloc, l’obstétricien l’attendent, est là à l’étage.

Tout le monde attendra plus de vingt minutes ! L’ascenseur reste bloqué entre deux étages.

20’ c’est court pour trouver la manivelle capable de débloquer la situation.

20’ c’est beaucoup trop long pour un décollement massif.

La césarienne débutée dans la précipitation se termine dans la désolation.

L’enfant est perdu moribond. Extrait en catastrophe, ses gasps erratiques ne justifient même pas une réanimation. Les néonatologues qui l’accueillent confirment le pronostic effroyable.

L’enfant a aujourd’hui 25 ans. Il est docteur …. en droit. Il ne souffre d’aucune insuffisance motrice ou cérébrale.

Que s’est-il passé ? Rien ou presque … Personne n’a remarqué dans la précipitation des premières minutes l’obstétricien sinisant qui passait par là… par hasard. Sans rien dire  à personne, pendant que la sage femme rasait en urgence la pauvre jeune femme hurlante, il a renouvelé son geste nocturne. Cinq moxibustion sur 9F droit, cinq sur le gauche.

Le hasard, cette loi du ciel qui circule incognito a-t-il voulu que cet enfant surmonte tous les obstacles ? 9F a-t-il participé à cette évolution inexplicablement favorable ? Sa mère en est persuadée, l’obstétricien reste circonspect. Il hésite à sortir du paradis terrestre. Pour lui et pour quelques sages femmes l’aventure commence.

 

Cinq mouvements 

 

De fait cinq moxibustions (CINQ est ici choisi comme nombre spécifique de l’homme). CINQ approche de 9F avec 1 bâton d’armoise porté à incandescence s’avèrent capables parfois (je souligne parfois) d’améliorer la vitalité fœtale.

L’expérience a, depuis plus de vingt ans, été renouvelée des centaines, pour ne pas dire, des milliers de fois ; dans la maternité qui l’a vu naître mais aussi dans un service de pathologie d’une grande maternité hospitalière.

Les prématurés, les doubletons, les tripletons, les bébés de mère greffées du foie, du rein, du cœur, les hydramnios, les transfuseurs transfusés, les ruptures prématurées des membranes avant 24 semaines d’aménorrhée ont « bénéficié » de ce traitement atypique. Le geste est répété 2 à 3 fois par semaine.

 

Toutes les catastrophes n’ont pas été évitées, tous les bébés » n’ont pas été sauvés, peu d’obstétriciens ont été convaincus. Seuls peut-être certains néonatologues assurant les suites d’une intervention dont ils ignoraient le principe et l’existence ont repéré parmi leurs protégés les bébés « 9F » pour leur étonnante vitalité.

A l’heure où les sages femmes viennent d’acquérir par décret le droit de pratiquer des gestes de médecine chinoise je leur propose ici de tester 9F – non sans bien entendu avoir appelé l’obstétricien de garde qui jugera de la conduite à tenir s’il y a urgence. Sinon, si on a le temps, s’il s’agit d’un retard de croissance ou d’une menace d’accouchement prématuré, il est inutile de prévenir l’échographiste qui se contentera de constater la reprise de croissance. Il est sans intérêt d’alerter qui que ce soit si bébé protégé par le point 9Foie décide d’attendre gentiment dans la meilleure couveuse qui soit.

 

 


Dr Alain Mestrallet

Gynécologue Obstétricien

Ancien Interne des Hôpitaux de Paris

Ancien Chef de Clinique à la faculté

Polyclinique des Minguettes à Lyon

7 place Bellecour

69002 Lyon

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