Paul Lauwers

 

Le taijiquan, un art du mouvement, une discipline de santé

 

Comment parler du mouvement en médecine chinoise sans parler du taijiquan ?

Moyen de défense, sport, discipline de santé, discipline du corps et de l'esprit, le taijiquan est tout cela à la fois.

Il trouve sa place dans la MTC :

 

 

      MTC : phyto + acupuncture + diététique + tuina + qigong + taijiquan

                               Ö

Médecine chinoise

                               Ø

     MM : médecine interne + chirurgie + diététique +  kinésithérapie + techniques de relaxation et sports

 

Définition

 

Le terme est composé des racines "taiji" qui signifie "Principe ultime – Faîte suprême" et "quan" qui signifie "poing" et par extension "Boxe".

Le taijiquan est donc la "Boxe du Faîte suprême" , appelé encore "Boxe de l'Ombre".

 

Origine

 

Le Wu Shu désigne l'ensemble des arts martiaux chinois. Notons que l'on parle souvent erronément de Kung Fu qui signifie en fait "Maîtrise de l'Art".

Le Wu Shu est divisé en 2 grands courants:

- Les arts martiaux externes qui privilégient le travail musculaire, la puissance et sont influencés par le Bouddhisme. Ils seraient nés au monastère de Shao Lin.

Les arts martiaux internes qui privilégient le travail respiratoire et mental. Ils sont influencés par le Taoïsme

Le plus connu des arts martiaux internes est le taijiquan. La paternité est souvent attribuée à Chen Wangting.

 

L'originalité de la discipline

 

Les mouvements sont ceux que l'on retrouve dans les arts externes. Mais ici, ils sont effectués avec lenteur (tout au moins la plupart du temps) - c'est cet aspect qui frappe généralement l'observateur.

Dans d'autres sports, dans d'autres disciplines de combats issus d'autres pays, les mouvements peuvent être effectués lentement pour être "décortiqués", analysés. Sans plus. Le génie des chinois a été d'adapter l'intériorité, la lenteur à un ensemble de mouvements. De choisir les mouvements intéressants, les adapter. D'en faire une discipline à part entière. La chose n'est pas aussi évidente du tout. Voyez comme un simple coup de poing devient un mouvement élégant…

 

Son adaptation au monde occidental

 

Ceux qui connaissent l'historique du Judo en Europe savent que celui-ci à été introduit en France par Kawashi, un élève de Jigoro Kano, fondateur de cet Art. Il a eu l'intelligence d'adapter la discipline au monde occidental en la codifiant, en utilisant une terminologie française et en introduisant les ceintures de couleur. (la méthode s'est malheureusement fait détrôner par l'arrivée du Kodokan, mais c'est là une autre histoire).

Il doit en être de même en taijiquan :

- En systématisant son étude. L'enseignement dans les parcs se fait actuellement de façon assez

"anarchique". Un pratiquant entre dans un groupe et suit tant bien que mal l'enseignement du professeur.

Notre esprit occidental demande un enseignement bien structuré, échelonné. Il permet d'ailleurs une progression plus rapide (sans que ce ne soit péjoratif) dans la connaissance de la discipline.

- Une étude biomécanique permet de mieux comprendre, de mieux intégrer le mouvement. De trouver le mouvement le plus efficace, le plus harmonieux.

- La discipline doit être adaptée à la morphologie occidentale. Il est inutile de forcer certains mouvements qui ne pourraient qu’entraîner des troubles articulaires. Exemple : le "Serpent". Dans ce mouvement, le pratiquant descend fort bas, à raz du sol. Le mouvement est spectaculaire, très beau à voir et l'on assiste à une "surenchère" chez les pratiquants. C'est à celui qui descendra au plus bas. Ce qui est totalement inutile. A chacun d'effectuer le mouvement suivant sa morphologie, en préservant dès lors ses articulations !

 

Une discipline de l'esprit

 

Le concept utilisé par les chinois est  : "calmer le singe fou".

Dans les exercices de relaxation, les exercices se pratiquent les yeux fermés. En Sophrologie, Caicedo parle d'un état de conscience particulier, l' "état Sophronique", situé entre la veille et le sommeil.

En taijiquan les exercices se pratiquent les yeux ouverts. On est "ici et maintenant". Dans un état qui me paraît plutôt ici "d'hypervigilance". Les progrès scientifiques permettront probablement de comprendre  prochainement les mécanismes d'action neurophysiologique de cet état de conscience.

 

Les indications et contre-indications

 

La pratique du taijiquan ne doit pas être débutée trop tôt. Les jeunes ont intérêt à pratiquer les arts externes. Ils se dirigeront par la suite vers les arts internes lorsqu'ils auront acquis une conscience de soi suffisante.

Un enseignement est donné aux enfants mais il doit être bien évidemment adapté.

Le taijiquan pourra être conseillé à la plupart des patients. Certains trouveront cependant l'apprentissage trop long et trop lent. D'autres ne seront pas attirés par une discipline qui peut paraître fort centrée sur l'intériorité (alors que bien au contraire, elle vise à trouver un équilibre entre « l’Externe » et « l’Interne »).

Il faut noter que le taijiquan peut donner une impression de facilité alors que l'entraînement physique et la concentration mentale sont le plus souvent fort intenses.

Parmi les indications médicales on peut citer :

- Le taijiquan est une discipline sportive qui conduit à un très grand assouplissement. Les exercices préparatoires de « stretching » sont incontournables.

- De plus en plus d'études montrent l'intérêt sur le système cardiovasculaire, le système respiratoire, en prévention de l'ostéoporose.

- Très utile pour prévenir les troubles de l'équilibre.

- Discipline de l'esprit elle sera particulièrement utile pour se prémunir contre le mauvais stress.

- Les formes à mémoriser demandent un très grand effort de mémorisation qui lui aussi est fort intéressant.

- Notons qu'il s'agit également d'un art martial et donc d'un système de self défense non négligeable qui permettra également de renforcer la confiance en soi.

 

Les contre-indications sont peu nombreuses et toutes relatives. Elles dépendent plus de la formation, de la compétence de l'enseignant. On pourrait citer :

- Certaines pathologies des membres inférieurs. Essentiellement les problèmes graves des genoux. En effet, ces articulations sont fort sollicitées dans la pratique du taijiquan.

- Les troubles graves de l'équilibre.

- Les pathologies où l'image du corps pose question telles les psychoses et certaines formes de l'hystérie où la perte du contact avec la réalité peut être accentuée comme dans certains états psychotiques ou prépsychotiques. Il me paraît important que les enseignants soient bien sensibilisés à ce problème.

Un des intérêts supplémentaires de la discipline est de pouvoir intégrer pendant les   cours des exercices de relaxation de type "Sophrologie", les exercices de qigong, des exercices de self défense, ceci en plus, bien évidemment, des exercices fondamentaux de gymnastique et de Stretching qui doivent débuter toute pratique et qui visent à assouplir et étirer  les muscles.

 

L'intérêt pour le médecin

 

La pratique du taijiquan, on le voit, est incontestablement à conseiller à nos patients. En tant que moyen thérapeutique, certes, mais surtout en tant que discipline permettant d'équilibrer le corps et l'esprit.

Mais, c'est en fait le médecin lui-même qui en sera le premier bénéficiaire :

- Notre profession est difficile, prenante. Pour preuve, le taux de suicides est fort élevé. Les techniques de détentes sont fort importantes.

 J'ai été fort frappé par le fait que plusieurs patients m'ont parlé d'un changement dans ma pratique, ma relation patient-médecin, après avoir débuté la pratique du taijiquan.

- Dans la pratique, l'accent est mis sur l'ancrage, la relation du corps entre le ciel et la terre.

Le ressenti est très net dans la "position de l'arbre". Instinctivement, c'est dans cette position que l'on se met lorsque l'on plante une aiguille.

 - Le concept d'Energie, fort théorique dans notre pratique, devient ici beaucoup plus concret.

 

Je suis loin d'être un fanatique des concepts énergétiques traditionnels. J'ai tendance à penser que l'on intègre de façon beaucoup trop dogmatique les concepts traditionnels chinois à la pratique médicale.

Ceci ne veut pas dire que je rejette les concepts  tels que celui d'Energie. Certainement pas, mais je pense qu'ils doivent être abordés avec beaucoup d'esprit critique.

Une question se pose donc  : Lorsque l'on utilise une aiguille, de quelle façon agit-on ? L'aiguille est-elle la prolongation des mains de l'acupuncteur ?. Est-elle le lien qui permet le passage de l'Energie ?

Le taijiquan, une discipline donc d'une très grande richesse et passionnante à pratiquer.

 

 

 


Dr Paul Lauwers

* lauwers.paul@village.uunet.be

Sq Hoedemaekers, 21 Bte 7

1140 Bruxelles

Président de l'Union Professionnelle des Médecins Acupuncteurs de Belgique (UPMAB)

Rédacteur en che d'ABMA NEWS – revue de l'ABMA

Professeur de taijiquan à l'école d' Eric CAULIER,  Bruxelles – 3ème Duan taijiquan Institut Wushu de Pékin – 4ème Dan Judo