Le
taijiquan, un art du mouvement, une discipline de santé
Comment parler du mouvement en médecine chinoise
sans parler du taijiquan ?
Moyen de défense, sport, discipline de santé, discipline du corps et de l'esprit, le taijiquan est tout cela à la fois.
Il trouve sa place dans la MTC :
MTC : phyto +
acupuncture + diététique + tuina + qigong + taijiquan
Ö
Médecine chinoise
Le terme est composé des racines "taiji"
qui signifie "Principe ultime – Faîte suprême" et "quan"
qui signifie "poing" et par extension "Boxe".
Le taijiquan est donc la "Boxe du Faîte
suprême" , appelé encore "Boxe de l'Ombre".
Le Wu Shu désigne l'ensemble des arts
martiaux chinois. Notons que l'on parle souvent erronément de Kung Fu
qui signifie en fait "Maîtrise de l'Art".
Le Wu Shu est divisé en 2 grands courants:
- Les arts martiaux externes qui privilégient le travail musculaire, la puissance et sont influencés par le Bouddhisme. Ils seraient nés au monastère de Shao Lin.
Les arts martiaux internes qui privilégient le
travail respiratoire et mental. Ils sont influencés par le Taoïsme
Le plus connu des arts martiaux internes est le taijiquan.
La paternité est souvent attribuée à Chen Wangting.
Les mouvements sont ceux que l'on retrouve dans les arts externes. Mais ici, ils sont effectués avec lenteur (tout au moins la plupart du temps) - c'est cet aspect qui frappe généralement l'observateur.
Dans d'autres sports, dans d'autres disciplines de
combats issus d'autres pays, les mouvements peuvent être effectués lentement
pour être "décortiqués", analysés. Sans plus. Le génie des chinois a
été d'adapter l'intériorité, la lenteur à un ensemble de mouvements. De choisir
les mouvements intéressants, les adapter. D'en faire une discipline à part
entière. La chose n'est pas aussi évidente du tout. Voyez comme un simple coup
de poing devient un mouvement élégant…
Ceux qui connaissent l'historique du Judo en Europe
savent que celui-ci à été introduit en France par Kawashi, un élève de Jigoro
Kano, fondateur de cet Art. Il a eu l'intelligence d'adapter la discipline au
monde occidental en la codifiant, en utilisant une terminologie française et en
introduisant les ceintures de couleur. (la méthode s'est malheureusement fait
détrôner par l'arrivée du Kodokan, mais c'est là une autre histoire).
Il doit en être de même en taijiquan :
- En systématisant son étude. L'enseignement dans
les parcs se fait actuellement de façon assez
"anarchique". Un pratiquant entre dans un groupe et suit tant bien que mal l'enseignement du professeur.
Notre esprit occidental demande un enseignement bien
structuré, échelonné. Il permet d'ailleurs une progression plus rapide (sans
que ce ne soit péjoratif) dans la connaissance de la discipline.
- Une étude biomécanique permet de mieux comprendre,
de mieux intégrer le mouvement. De trouver le mouvement le plus efficace, le
plus harmonieux.
- La discipline doit être adaptée à la morphologie
occidentale. Il est inutile de forcer certains mouvements qui ne pourraient
qu’entraîner des troubles articulaires. Exemple : le "Serpent". Dans
ce mouvement, le pratiquant descend fort bas, à raz du sol. Le mouvement est
spectaculaire, très beau à voir et l'on assiste à une "surenchère"
chez les pratiquants. C'est à celui qui descendra au plus bas. Ce qui est
totalement inutile. A chacun d'effectuer le mouvement suivant sa morphologie,
en préservant dès lors ses articulations !
Le concept utilisé par les chinois est : "calmer le singe fou".
Dans les exercices de relaxation, les exercices se
pratiquent les yeux fermés. En Sophrologie, Caicedo parle d'un état de
conscience particulier, l' "état Sophronique", situé entre la veille
et le sommeil.
En taijiquan les exercices se pratiquent les
yeux ouverts. On est "ici et maintenant". Dans un état qui me paraît
plutôt ici "d'hypervigilance". Les progrès scientifiques permettront
probablement de comprendre prochainement
les mécanismes d'action neurophysiologique de cet état de conscience.
La pratique du taijiquan ne doit pas être
débutée trop tôt. Les jeunes ont intérêt à pratiquer les arts externes. Ils se
dirigeront par la suite vers les arts internes lorsqu'ils auront acquis une
conscience de soi suffisante.
Un enseignement est donné aux enfants mais il doit
être bien évidemment adapté.
Le taijiquan pourra être conseillé à la
plupart des patients. Certains trouveront cependant l'apprentissage trop long
et trop lent. D'autres ne seront pas attirés par une discipline qui peut
paraître fort centrée sur l'intériorité (alors que bien au contraire, elle vise
à trouver un équilibre entre « l’Externe » et
« l’Interne »).
Il faut noter que le taijiquan peut donner
une impression de facilité alors que l'entraînement physique et la
concentration mentale sont le plus souvent fort intenses.
Parmi les indications médicales on peut citer :
- Le taijiquan est une discipline sportive
qui conduit à un très grand assouplissement. Les exercices préparatoires de
« stretching » sont incontournables.
- De plus en plus d'études montrent l'intérêt sur le
système cardiovasculaire, le système respiratoire, en prévention de
l'ostéoporose.
- Très utile pour prévenir les troubles de
l'équilibre.
- Discipline de l'esprit elle sera particulièrement
utile pour se prémunir contre le mauvais stress.
- Les formes à mémoriser demandent un très grand effort
de mémorisation qui lui aussi est fort intéressant.
- Notons qu'il s'agit également d'un art martial et
donc d'un système de self défense non négligeable qui permettra également de
renforcer la confiance en soi.
Les
contre-indications sont peu nombreuses et toutes relatives. Elles dépendent plus de la
formation, de la compétence de l'enseignant. On pourrait citer :
- Certaines pathologies des membres inférieurs.
Essentiellement les problèmes graves des genoux. En effet, ces articulations
sont fort sollicitées dans la pratique du taijiquan.
- Les troubles graves de l'équilibre.
- Les pathologies où l'image du corps pose question telles les psychoses et certaines formes de l'hystérie où la perte du contact avec la réalité peut être accentuée comme dans certains états psychotiques ou prépsychotiques. Il me paraît important que les enseignants soient bien sensibilisés à ce problème.
Un des intérêts supplémentaires de la discipline est
de pouvoir intégrer pendant les cours
des exercices de relaxation de type "Sophrologie", les exercices de qigong,
des exercices de self défense, ceci en plus, bien évidemment, des exercices
fondamentaux de gymnastique et de Stretching qui doivent débuter toute pratique
et qui visent à assouplir et étirer les
muscles.
La pratique du taijiquan, on le voit, est
incontestablement à conseiller à nos patients. En tant que moyen thérapeutique,
certes, mais surtout en tant que discipline permettant d'équilibrer le corps et
l'esprit.
Mais, c'est en fait le médecin lui-même qui en sera
le premier bénéficiaire :
- Notre profession est difficile, prenante. Pour
preuve, le taux de suicides est fort élevé. Les techniques de détentes sont
fort importantes.
J'ai été fort
frappé par le fait que plusieurs patients m'ont parlé d'un changement dans ma
pratique, ma relation patient-médecin, après avoir débuté la pratique du taijiquan.
- Dans la pratique, l'accent est mis sur l'ancrage,
la relation du corps entre le ciel et la terre.
Le ressenti est très net dans la "position de
l'arbre". Instinctivement, c'est dans cette position que l'on se met
lorsque l'on plante une aiguille.
- Le concept
d'Energie, fort théorique dans notre pratique, devient ici beaucoup plus
concret.
Je suis loin d'être un fanatique des concepts
énergétiques traditionnels. J'ai tendance à penser que l'on intègre de façon
beaucoup trop dogmatique les concepts traditionnels chinois à la pratique
médicale.
Ceci ne veut pas dire que je rejette les
concepts tels que celui d'Energie.
Certainement pas, mais je pense qu'ils doivent être abordés avec beaucoup
d'esprit critique.
Une question se pose donc : Lorsque l'on utilise une aiguille, de
quelle façon agit-on ? L'aiguille est-elle la prolongation des mains de
l'acupuncteur ?. Est-elle le lien qui permet le passage de l'Energie ?
Le taijiquan, une discipline donc d'une très grande richesse et passionnante à pratiquer.
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Dr Paul Lauwers*
lauwers.paul@village.uunet.be
Sq
Hoedemaekers, 21 Bte 7
1140 Bruxelles Président de l'Union Professionnelle des Médecins
Acupuncteurs de Belgique (UPMAB) Rédacteur en che d'ABMA NEWS – revue de l'ABMA Professeur de taijiquan à l'école d' Eric
CAULIER, Bruxelles – 3ème
Duan taijiquan Institut Wushu de Pékin – 4ème Dan Judo |