Charlotte Gay - Marie-Christine Desmartin

 

Acupuncture en salle de naissance : étude pilote sur la direction du travail

 

Nous sommes sages-femmes depuis 16 et 27 ans et diplômées d’acupuncture depuis 9 et 20 ans.

Si nous avons exercé dans différents services au cours de notre carrière, notre activité actuelle se situe en salles de naissances où nous pratiquons quotidiennement l’acupuncture.

En 2008, 5080 patientes (soit 5213 bébés) ont accouché à Jeanne De Flandre.

Sur l’ensemble de ces patientes, 589 séances d’acupuncture (toutes indications confondues) ont été pratiquées soit  11.5% des patientes.

Devant un tel pourcentage, nous avons voulu étudier l’effet de l’acupuncture pendant le travail.

Nous avons donné plusieurs axes à notre travail ; ce que nous appellerons  une « enquête d’opinion » et une étude de dossiers.

L’enquête a été réalisée grâce à un questionnaire rempli par les sages-femmes, comportant 3 points principaux :

- Evaluation de la connaissance des patientes sur les traitements par acupuncture pendant le travail.

- Evaluation de leur opinion sur l’effet de l’acupuncture.

- Evaluation de l’opinion des sages-femmes sur l’action de l’acupuncture pendant le travail .

L’étude rétrospective de dossiers nous a permis d’évaluer l’action de l’acupuncture pendant la direction du travail.

 

Résultats de l’enquête

 

Notre population ayant bénéficié de l’acupuncture se compose de 33% de multipares et 66% de primipares. Si la majorité des patientes ne connaissait pas le possible recours à l’acupuncture pendant le travail, elles s’avèrent largement favorables au renouvellement du traitement.

Les 2/3 des sages-femmes ont trouvé un réel bénéfice au traitement par acupuncture. Notamment le jugeant très efficace dans 36% des cas.

Les patientes, quant à elles, sont encore plus satisfaites que les sages-femmes c'est-à-dire 82% d’opinions positives.

 

Notre étude

 

Notre évaluation de l’acupuncture pendant le travail est une étude rétrospective de dossiers entre mai 2008 et février 2009.

Il s’agissait de comparer l’utilisation du syntocinon® seul à l’utilisation du syntocinon® associé à l’acupuncture.

Bien sûr par son caractère rétrospectif notre étude comporte de nombreux biais, tels que la péridurale ou non (même si au moins 80% de nos patientes en bénéficient), la rupture ou non  de la poche des eaux, l’utilisation des postures, le syntocinon® : son  débit et son augmentation, pour n’en citer que quelques uns.

Nous avons apparié nos populations selon la parité, le terme et le stade de dilatation.

 

Méthodologie

 

Nos groupes sont les suivants :

- Syntocinon® exclusif c'est-à-dire qu’il n’y a aucun autre traitement tel que les antispasmodiques

- Syntocinon® + acupuncture : simultanément ou au maximum 1heure après : désigné acupuncture précoce.

- Syntocinon® + acupuncture décalée de plus d’une heure : désigné acupuncture tardive

Pour chacune des patientes, nous avons observé la progression de la dilatation d’au moins 1cm une heure après l’intégralité du traitement et deux heures après dans le cas d’une prise en charge avant 5cm.

Dans le groupe syntocinon® seul, nous avons recensé 36 primipares et 40 multipares ayant accouché à un terme moyen de 39SA +4 j et avec un travail spontané pour 80% d’entre elles.

Dans le groupe acupuncture précoce, nous avons recensé 54 primipares et 23 multipares ayant accouché à un terme moyen de 39SA+4j et avec un travail spontané pour 74% d’entre elles.

Dans le groupe acupuncture tardive, nous avons recensé 50 primipares et 16 multipares ayant accouché à un terme moyen de 39Sa et 5j et avec un travail spontané pour 39% d’entre elles.

Si nos populations sont relativement comparables pour les critères de parité et de terme moyen, il n’en est pas de même pour le mode de début de travail. Nous reviendrons sur ce point particulier au cours de notre argumentation.

 

Résultats à une heure pour les patientes prises en charge avant 5 cm

 

On note une progression de la dilatation pour 14 patientes soit 52% dans le groupe syntocinon® seul.

Pour le groupe acupuncture précoce 28 patientes soit 69%, pour le groupe acupuncture tardive 9 patientes soit 40%.

Pour les primipares, on note une tendance vers l’efficacité (P=0,068) avec l’acupuncture précoce par  rapport au groupe syntocinon® mais le P est supérieur à 5% donc non significatif. Il faudrait confirmer par des ECR de haute qualité méthodologique.

Néanmoins l’efficacité de l’acupuncture précoce par rapport à  l’acupuncture tardive est confirmée par le test statistique du Chi-carré (P=0,04519).

Chez les multipares, dans le groupe syntocinon® seul, on note une progression pour 13 patientes soit 50%.

Pour le groupe acupuncture précoce, 10 patientes soit 53%. Pour le groupe acupuncture tardive, 3 patientes soit 44%.

Chez les multipares, l’acupuncture précoce n’est pas plus efficace que le syntocinon® seul.

Il ressort aussi que, quelle que soit la parité, nous avons plus d’échecs avec l’acupuncture tardive : 60% chez les primipares et 56% chez les multipares.

 

Résultats à 2 heures pour les patientes prises en charge avant 5 cm

 

Chez la primipare, l’acupuncture précoce est surtout efficace de manière statistiquement significative en comparaison à l’acupuncture tardive (P=0,001), mais n’est pas plus efficace que le syntocinon® seul (P=0,3708)

Chez la multipare, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre syntocinon® et acupuncture précoce (P=0,06).

 

Résultats à une heure pour les patientes prises en charge après 5 cm

 

Pour les primipares, les réussites dans les groupes syntocinon® seul et acupuncture précoce sont sensiblement égales : 78 et 77%. Par contre, on constate encore 40% d’échecs dans le groupe acupuncture tardive.

Chez les multipares, nous ne notons aucun échec dans les groupes syntocinon® seul et acupuncture précoce.

Et toujours des échecs plus importants, 28%, dans le groupe acupuncture tardive.

En conclusion, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre l’acupuncture quelle soit précoce ou tardive et le syntocinon® seul (P=0,4085 à 2 degrés de liberté chez les primipares et P=0,2620 à 2 degrés de liberté chez les multipares). L’acupuncture ne donne pas de meilleurs résultats que le syntocinon®.

Les résultats obtenus dans la prise en charge après 5cm pourraient s’expliquer par un choix de points d’acupuncture mal adaptés à la deuxième phase du travail.

Dans le groupe acupuncture tardive, l’utilisation de l’acupuncture comme dernier recours explique sans doute le grand nombre d’échecs.

Une raison essentielle à ce recours tardif, la sage-femme en charge de la patiente n’est probablement pas diplômée en acupuncture. Le temps qu’elle fasse appel à une acupunctrice ou le temps que cette dernière soit disponible, il est déjà trop tard pour espérer inverser la tendance. Néanmoins ce genre de situation tend à se raréfier dans la mesure où l’équipe de sages-femmes diplômées en acupuncture est de plus en plus importante.

 

Conclusion

 

De l’enquête tout d’abord,

Les patientes ont une méconnaissance du possible recours à l’acupuncture en cours de travail, néanmoins elles sont largement satisfaites d’avoir bénéficié de ce traitement. Tout comme les sages-femmes (diplômées d’acupuncture ou non)  qui l’apprécient de plus en plus.

Ce large plébiscite, pressenti depuis quelques années, contribue à augmenter chaque année le nombre de sages-femmes de notre service inscrites en formation continue pour l’acupuncture.

Passons à la conclusion de notre étude de dossiers.

Nous voudrions insister sur les deux points suivants :

- Quels que soient la parité et le moment de la prise en charge, l’acupuncture précoce doit être préconisée plutôt que l’acupuncture tardive. Ces résultats pilotes semblent montrer une efficacité par rapport à l’utilisation du syntocinon® seul mais cela demande la mise en place d’un essai contrôlé randomisé de haute qualité méthodologique et de grande puissance.

- De même l’utilisation de l’acupuncture tardive ne donne pas de bons résultats. Pour cela nous émettons deux hypothèses : comme nous l’avons fait remarquer en début d’exposé le faible taux de travail spontané dans ce groupe : seulement 39% ; et/ ou une situation très compromise au moment du traitement.

 

 

 

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Charlotte Gay

* charlotte_gay@yahoo.fr

Sage-femme

Clinique d’obstétrique de l’hôpital Jeanne de Flandre, Lille


Marie-Christine Desmartin

* desmartin@wanadoo.fr

Sage-femme

Clinique d’obstétrique de l’hôpital Jeanne de Flandre, Lille