Pourquoi simplifier le traitement par acupuncture des troubles
fonctionnels
La différence entre l’organique et le fonctionnel abonde de zones
d’ombres. Mais bon nombre de patients consultent parce qu’ils ont perdu
l’harmonie ou le rythme d’une fonction : sommeil, digestion, battements
cardiaques, pensée, sensations, concentration, etc. Pourtant il s’agit de tout
un domaine où l’acupuncture peut être, dans une certaine mesure, efficace.
La pathologie « externe » concerne le système locomoteur et
représente la grande force de l’acupuncture. Son diagnostic est souvent le
même : « Blocage de la circulation du Qi et/ou du Sang dans un
ou des méridiens. » C’est ce qui permet de faire de l’acupuncture efficace
sans connaître la MTC, comme en ont témoignés nos collègues européens pendant
40 ans.
Ce que l’on appelle “Pathologie interne représente le vaste domaine des
troubles des zangfu et des Substances
Fondamentales, dans lequel les lésions et les dysfonctions se mélangent
souvent.
Le traitement des troubles du système locomoteur se résume, de l’aveu
même des chinois à l‘approche suivante :
- Choisir les points en
fonction des méridiens qui passent par l’endroit lésé ou douloureux.
- Choisir des points locaux
et/ou régionaux et/ou éloignés.
En ce qui concerne la pathologie dite Interne, le processus est plus
compliqué puisqu’il concerne les zangfu, les
Substances Fondamentales, et qu’il utilise les étapes diagnostiques de la MTC.
Extraits d’un interview du professeur Tan Yuan-Sheng, Directeur adjoint du Bureau de Standardisation de l’Acupuncture, Secrétaire de la WFAS par le Dr. Ma Yun-tao :
« - L’acupuncture a depuis longtemps été considéré à tort comme une
sous-spécialité affiliée à la MTC.
- Les
points d’acupuncture ne devraient pas être considérés comme ayant des natures
pharmacologiques. Luo Zhao-Ju
en 1920 proposa le concept de la nature pharmacologique des points, joignant
ainsi acupuncture et phytothérapie sous prétexte que parce qu’ils avaient la
même philosophie ils devaient partager le même système théorique.
- Actuellement
on a coutume de dire que l’acupuncture et la phytothérapie partagent les mêmes
théories. Les praticiens utilisent les théories et les méthodes de la MTC pour
les guider dans leur pratique acupuncturale, comme
utilisant systématiquement le pouls et la langue dans leur pratique
d’acupuncture.
Ainsi les principes pharmaceutiques et les méthodes de
prescription de la phytothérapie furent artificiellement appliqués à
l’acupuncture. Celle-ci perdait alors son identité et devenait partie intégrante
de la MTC. »
MTC contre ou avec le système acupunctural ?
Dans les manuels modernes de MTC, pour faire un diagnostic il faut :
- Connaître tous les schémas
pathologiques des zangfu, etc.
- Faire un diagnostic
différentiel à partir d’un symptôme pour arriver à un schéma pathologique.
- Faire un diagnostic à partir
d’une maladie reconnue.
- Les schémas sont décrits
dans un but didactique. Ils représentent une façon très intelligente pour
différencier les aspects principaux des manifestations pathologiques. Mais ils
n’existent pas toujours en tant que tels.
- Ils doivent être pris comme
référence à adapter à chaque situation individuelle.
Avons-nous
vraiment besoin de tout cela en acupuncture ?
Les produits médicinaux sont groupés en fonction de leurs actions principales, qui peuvent être observées, répétées et enregistrées lorsqu’ils sont pris seuls.
Pour soigner les schémas le praticien de MTC :
- Choisit des
« plantes » individuelles en fonction de leur action au sein de la
classification générale.
- Utilise une formule connue,
qui remonte parfois à des siècles auparavant.
- Part d’une formule de base
et la modifie selon les symptômes.
- Les Usines de plantes en
Chine créent chacune leur groupe de formules préférées.
- Il existe enfin des
« formules toute faites…
Qu’en est-il pour l’acupuncture ?
Chaque point aurait :
- une liste de fonctions.
- une liste d’actions ou
d’indications.
Cette tendance remonte à Zhang Yuan-su de l’ère Jin-Yuan avec sa théorie
des tropismes de chaque médicament individuel pour tel ou tel méridien.
Ce fut le début de « l’herbalisation »
de l’acupuncture.
- Fonctions
o Tonifie les Reins (surtout Yin),
la Quintessence et enrichit le Yin.
o Calme l’Esprit, récupère le
Yang, fait revenir à la conscience et transforme les Glaires-Chaleur.
o Disperse le Feu et la
Chaleur (surtout à la tête).
- Plus de
très nombreuses indications
Mais
- La plupart de ces points
n’ont pas été testés individuellement comme les herbes.
- Beaucoup de leurs
indications sont douteuses ou exagérées.
Dans la plupart
des manuels il existe des traitements pour tous les schémas, tous les
symptômes, et toutes les maladies “occidentales”.
Extension abusive ?
Transferts analogiques ?
Intégration forcée ?
Illusion holistique ?
Dans les indications des points il y a différentes catégories :
-
Quand les points sont choisis en fonction des méridiens.
-
Quand ils sont choisis en fonction
du nom de leur méridien pour soigner la fonction correspondante.
-
Quand ils sont choisis en fonction de la loi de Cinq Eléments.
-
Quand ils sont choisis en fonction des différentes catégories de
points : Luo, Yuan, Qi,
etc.
-
Quand ils sont choisis pour certaines actions générales.
Ainsi un point est plus ou moins comparé à une plante :
« Herbalisation » de l’acupuncture
Un point = Une
plante
Ainsi s’est créée une pharmacopée de points où ceux-ci sont traités comme
des plantes.
Exercice statistique : relevés des points pour la constipation et la diarrhée dans une dizaine de manuels variés. On constate un groupe de points qui reviennent le plus fréquemment, que ce soit pour la constipation ou pour la diarrhée.
-
VB20, VB25 : points Shu du
dos.
-
E25 : point Mu du gros intestin.
-
E36, E37 : points He.
-
VC12, VC4, VC6 : point locaux.
En
d’autres mots, que ce soit pour la constipation ou la diarrhée, il est possible d’utiliser le même groupe de
points, auquel on ajoute éventuellement des points pour des symptômes
spécifiques.
Qu’en est-il
pour les schémas pathologiques? Faut-il passer par toutes les étapes de la
MTC ?
Exemple des schémas
de la fonction du système pulmonaire.
Pour la plupart
d’entre eux les mêmes groupes de points émergent, qu’il s’agisse d’un cas
d’Excès ou d’un cas d’Insuffisance !
On pourrait
imaginer uns structure thérapeutique comme celle-ci-dessous :
- Points Shu du dos.
- Autres points locaux et/ou régionaux importants.
- Points éloignés importants.
- Points pour tel ou tel symptôme spécifique.
Est-il vraiment nécessaire d’avoir des formules différentes pour chaque
schéma ? Pas vraiment, car il existe un noyau de points communs.
Stimulez le corps avec une aiguille et l’organisme réagira naturellement
dans le sens d’un équilibre et d’une homéostasie récupérée.
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Dr François Beyens * fbeyens@arcadis.be Membre fondateur de l'Association Belge des Médecins Acupuncteurs (ABMA).
Moniteur des cours pendant 10 ans. Enseignant principal pendant 16 ans. Successivement Vice-président et Président de l’ABMA. Membre fondateur et Secrétaire Général de l'International Council for Medical Acupuncture and Related Techniques (ICMART), une association qui regroupe plus de 80 associations d'acupuncture médicale, et représente plus de 35,000 médecins acupuncteurs. |