François Beyens

Pourquoi simplifier le traitement par acupuncture des troubles fonctionnels

 

La différence entre l’organique et le fonctionnel abonde de zones d’ombres. Mais bon nombre de patients consultent parce qu’ils ont perdu l’harmonie ou le rythme d’une fonction : sommeil, digestion, battements cardiaques, pensée, sensations, concentration, etc. Pourtant il s’agit de tout un domaine où l’acupuncture peut être, dans une certaine mesure, efficace.

La pathologie « externe » concerne le système locomoteur et représente la grande force de l’acupuncture. Son diagnostic est souvent le même : « Blocage de la circulation du Qi et/ou du Sang dans un ou des méridiens. » C’est ce qui permet de faire de l’acupuncture efficace sans connaître la MTC, comme en ont témoignés nos collègues européens pendant 40 ans.

Ce que l’on appelle “Pathologie interne représente le vaste domaine des troubles des zangfu et des Substances Fondamentales, dans lequel les lésions et les dysfonctions se mélangent souvent.

Le traitement des troubles du système locomoteur se résume, de l’aveu même des chinois à l‘approche suivante :

-  Choisir les points en fonction des méridiens qui passent par l’endroit lésé ou douloureux.

-  Choisir des points locaux et/ou régionaux et/ou éloignés.

En ce qui concerne la pathologie dite Interne, le processus est plus compliqué puisqu’il concerne les zangfu, les Substances Fondamentales, et qu’il utilise les étapes diagnostiques de la MTC.

Extraits d’un interview du professeur Tan Yuan-Sheng, Directeur adjoint du Bureau de Standardisation de l’Acupuncture, Secrétaire de la WFAS par le Dr. Ma Yun-tao :

« - L’acupuncture a depuis longtemps été considéré à tort comme une sous-spécialité affiliée à la MTC.

-  Les points d’acupuncture ne devraient pas être considérés comme ayant des natures pharmacologiques. Luo Zhao-Ju en 1920 proposa le concept de la nature pharmacologique des points, joignant ainsi acupuncture et phytothérapie sous prétexte que parce qu’ils avaient la même philosophie ils devaient partager le même système théorique.

-  Actuellement on a coutume de dire que l’acupuncture et la phytothérapie partagent les mêmes théories. Les praticiens utilisent les théories et les méthodes de la MTC pour les guider dans leur pratique acupuncturale, comme utilisant systématiquement le pouls et la langue dans leur pratique d’acupuncture.

Ainsi les principes pharmaceutiques et les méthodes de prescription de la phytothérapie furent artificiellement appliqués à l’acupuncture. Celle-ci perdait alors son identité et devenait partie intégrante de la MTC. »

 

MTC contre ou avec le système acupunctural ?

 

Dans les manuels modernes de MTC, pour faire un diagnostic il faut :

-  Connaître tous les schémas pathologiques des zangfu, etc.

-  Faire un diagnostic différentiel à partir d’un symptôme pour arriver à un schéma pathologique.

-  Faire un diagnostic à partir d’une maladie reconnue.

-  Les schémas sont décrits dans un but didactique. Ils représentent une façon très intelligente pour différencier les aspects principaux des manifestations pathologiques. Mais ils n’existent pas toujours en tant que tels.

-  Ils doivent être pris comme référence à adapter à chaque situation individuelle.

 

Avons-nous vraiment besoin de tout cela en acupuncture ?

 

Organisation thérapeutique en MTC

 

Les produits médicinaux sont groupés en fonction de leurs actions principales, qui peuvent être observées, répétées et enregistrées lorsqu’ils sont pris seuls.

Pour soigner les schémas le praticien de MTC :

-  Choisit des « plantes » individuelles en fonction de leur action au sein de la classification générale.

-  Utilise une formule connue, qui remonte parfois à des siècles auparavant.

-  Part d’une formule de base et la modifie selon les symptômes.

-  Les Usines de plantes en Chine créent chacune leur groupe de formules préférées.

-  Il existe enfin des « formules toute faites…

 

Qu’en est-il pour l’acupuncture ?

 

Chaque point aurait :

-  une liste de fonctions.

-  une liste d’actions ou d’indications.

Cette tendance remonte à Zhang Yuan-su de l’ère Jin-Yuan avec sa théorie des tropismes de chaque médicament individuel pour tel ou tel méridien.

Ce fut le début de « l’herbalisation » de l’acupuncture.

 

Exemple de R1

 

-  Fonctions

o  Tonifie les Reins (surtout Yin), la Quintessence et enrichit le Yin.

o  Calme l’Esprit, récupère le Yang, fait revenir à la conscience et transforme les Glaires-Chaleur.

o  Disperse le Feu et la Chaleur (surtout à la tête).

 

-  Plus de très nombreuses indications

Mais

-  La plupart de ces points n’ont pas été testés individuellement comme les herbes.

-  Beaucoup de leurs indications sont douteuses ou exagérées.

 

Dans la plupart des manuels il existe des traitements pour tous les schémas, tous les symptômes, et toutes les maladies “occidentales”.

Extension abusive ?

Transferts analogiques ?

Intégration forcée ?

Illusion holistique ?

Dans les indications des points il y a différentes catégories :

-       Quand les points sont choisis en fonction des méridiens.

-       Quand ils sont choisis en fonction  du nom de leur méridien pour soigner la fonction correspondante.

-       Quand ils sont choisis en fonction de la loi de Cinq Eléments.

-       Quand ils sont choisis en fonction des différentes catégories de points : Luo, Yuan, Qi, etc.

-       Quand ils sont choisis pour certaines actions générales.

 

Ainsi un point est plus ou moins comparé à une plante :

« Herbalisation » de l’acupuncture

Un point = Une plante

Ainsi s’est créée une pharmacopée de points où ceux-ci sont traités comme des plantes.

 

Exercice statistique : relevés des points pour la constipation et la diarrhée dans une dizaine de manuels variés. On constate un groupe de points qui reviennent le plus fréquemment, que ce soit pour la constipation ou pour la diarrhée.

-       VB20, VB25 : points Shu du dos.

-       E25 : point Mu du gros intestin.

-       E36, E37 : points He.

-       VC12, VC4, VC6 : point locaux.

En d’autres mots, que ce soit pour la constipation ou la diarrhée,  il est possible d’utiliser le même groupe de points, auquel on ajoute éventuellement des points pour des symptômes spécifiques.

Qu’en est-il pour les schémas pathologiques? Faut-il passer par toutes les étapes de la MTC ?

 

Exemple des schémas de la fonction du système pulmonaire.

Pour la plupart d’entre eux les mêmes groupes de points émergent, qu’il s’agisse d’un cas d’Excès ou d’un cas d’Insuffisance !

On pourrait imaginer uns structure thérapeutique comme celle-ci-dessous :

-       Points Shu du dos.

-       Autres points locaux et/ou régionaux importants.

-       Points éloignés importants.

-       Points pour tel ou tel symptôme spécifique.

 

Alors

 

Est-il vraiment nécessaire d’avoir des formules différentes pour chaque schéma ? Pas vraiment, car il existe un noyau de points communs.

Stimulez le corps avec une aiguille et l’organisme réagira naturellement dans le sens d’un équilibre et d’une homéostasie récupérée.

 

 

Dr François Beyens

* fbeyens@arcadis.be

Membre fondateur de l'Association Belge des Médecins Acupuncteurs (ABMA). Moniteur des cours pendant 10 ans. Enseignant principal pendant 16 ans.

Successivement Vice-président et Président de l’ABMA.

Membre fondateur et Secrétaire Général de l'International Council for Medical Acupuncture and Related Techniques (ICMART), une association qui regroupe plus de 80 associations d'acupuncture médicale, et représente plus de 35,000 médecins acupuncteurs.