Date
28/06/2000
Sujet
Hépatite C et acupuncture: stérilisation
Auteur
Dr Jean-Marc Stéphan.
Message
Pour clarifier le débat concernant la stérilisation en acupuncture, je vous livre ce que le législateur exige des professionnels de santé.
En effet, selon le code de la déontologie, le médecin doit veiller à la stérilité et à la décontamination des dispositifs médicaux qu'il utilise (décret du 6 septembre 1995 à partir d'une directive européenne 93/42 CEE, révisé en 1997). Donc, cela revient à s'assurer de l'efficacité des traitements.
Cette obligation de résultat demande la mise en œuvre de moyens qui sont différents selon que l'on veut stériliser un tensiomètre dont la seule propreté microbiologique est importante, ou une aiguille d'acupuncture, une pince à biopsie, objets plus critiques quant à leur stérilité.

Ainsi, il existe en France 5 types de traitement de stérilisation : les prétraitements qui visent à nettoyer le dispositif et à protéger l'environnement et le personnel ; la désinfection des dispositifs médicaux qui ne nécessitent pas d'être stériles ; la désinfection des endoscopes souples pour les cavités non stériles ; la désinfection et la stérilisation de haut niveau du matériel destiné aux cavités stériles ; le traitement des dispositifs médicaux en cas de risque de maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Bien sûr, dans le cas de l'acupuncture, nous devons nous assurer que les aiguilles ne puissent transmettre les virus de l'hépatite C, les virus HIV1,2 etc.. pour lesquels nous sommes critiqués..
Alors on peut utiliser les aiguilles à usage unique qui doivent être impérativement à la norme CE. C'est à dire que les emballages de stérilisation doivent laisser pénétrer l'agent stérilisant, puis maintenir l'état stérile. Ces 2 nécessités sont en partie antinomiques. Ils possèdent généralement une face papier perméable et une face plastique non perméable transparente.
La qualité de la soudure entre les 2 faces est un élément essentiel de la garantie du maintien de la stérilité. Elle ne doit pas présenter de plis. Il doit y avoir une date de péremption de stérilité. Bref tout cela rentre dans le carnet de charge de la norme CE. Vous pouvez être tentés de réutiliser ces aiguilles en les stérilisant à nouveau.
Sachez que c'est sanctionnable sur le plan pénal. Car selon un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 29 juin 1999, caractérise l'élément matériel du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de services le fait pour un médecin, mais également le personnel médical, de réutiliser, même après re-stérilisation, un dispositif médical présenté par le fabricant comme étant destiné à un usage unique. Dont acte.
Vous désirez réutiliser vos aiguilles en or, en argent, en cuivre, en acier… C'est possible mais..
L'acupuncture est considérée comme une médecine utilisant un matériel invasif dit critique, c'est à dire pouvant être en contact avec des vaisseaux sanguins, ou allant dans une cavité stérile (exceptionnel). Il faudra donc réaliser dans ce cas une stérilisation, ou à défaut une désinfection de haut niveau capable d'inactiver tous les micro-organismes y compris les spores bactériennes. Pour réaliser cette stérilisation, la circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997 relative à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé souligne dans son point 2.2.5 que "Dans l'état actuel des connaissances, la stérilisation par la vapeur d'eau saturée sous pression doit être la méthode appliquée lorsque le dispositif le supporte". Même si ce texte ne concerne pas directement les cabinets médicaux, cette notion y est cependant applicable. Cette circulaire se base sur le fait que seule la stérilisation par vapeur d'eau à 134°C pendant 18 minutes détruit 1. les virus enveloppés (VIH, VHB, CMV),
2. les bactéries végétatives (Staphylococcus auréus, pseudomonas aeruginosa),
3. les champignons (candida, aspergillus),
4. les virus nus ( VHA, VHC),
5. les mycobactérium (tuberculosis, avium),
6. les spores ( bacillus clostridium),
7. les prions.
La stérilisation par oxyde d'éthylène, gaz-plasma, irradiation ou désinfection de haut niveau par glutaraldéhyde détruit 1,2,3,4,5,6, mais est inefficace contre les prions. La désinfection par différents produits aux normes européennes EN n'agit que sur 1 et 2, 3 au maximum.
En outre, je souligne le fait qu'un antiseptique genre dakin, bétadine, ne peut en aucun cas se substituer à un désinfectant pour surfaces inertes et de toutes façons à la stérilisation en ce qui concerne les aiguilles d'acupuncture. En effet, un antiseptique est destiné à être utilisé sur des tissus vivants, et non sur des objets. Le désinfectant chimique de référence est en France le glutaraldéhyde à 2%, mais d'autres molécules comme l'hypochlorite de sodium ont un pouvoir désinfectant mais aussi corrosif pour le matériel, ce qui limite encore leur usage.
Mais comme je l'ai dit plus haut, l'aiguille d'acuponcture est un dispositif critique qui nécessite bien davantage qu'une désinfection. Donc STERILISATION. Ou lorsque du matériel critique ne supporte aucun procédé de stérilisation, on réalise alors une désinfection de haut niveau. Celle-ci se réalise par immersion complète dans un bain désinfectant qui est donc le glutaraldéhyde à 2% pendant 1 heure si on veut être sporicide. Un petit mot concernant la stérilisation à chaleur sèche genre Poupinel. La fiabilité et la performance de la chaleur sèche sont moindres que celles de la vapeur d'eau. De plus Delfau R et Tschan ont prouvé l'inefficacité de ce procédé sur la destruction des prions (in : la stérilisation en milieu hospitalier. Cahors. CEFH éd. 1998, pp243-248).
Donc à éviter, même si la législation française l'autorise encore. Idem pour les stérilisateurs à billes.

Conclusion : utiliser si possible des aiguilles à usage unique tout en s'assurant du conditionnement et de la stérilisation. Sinon la stérilisation doit passer par des stérilisateurs à vapeur d'eau. Problème : le coût de ces autoclaves varient entre 40 000 francs et 50 000 francs. Mais c'est le prix à payer pour avoir des bonnes pratiques dont la mise en œuvre est nécessaire à la sécurité des patients.

Bibliographie non exhaustive:
1. directive européenne 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux, transposée en droit français par la loi n°94-43 et le décret 95-292
2. circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997 relative à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé
3. circulaire DH N°96-7602 du 12 décembre 1996 relative à la sécurité d'utilisation des dispositifs médicaux.
4.Parneix P. Est-il licite d'utiliser un stérilisateur type poupinel en médecine de ville. Le concours médical 03/04/99 121-13


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